Comme vous l’aurez probablement deviné, il est maintenant l’heure de vous parler de l’enfant sauvage du roller français. Celui qui a une fâcheuse tendance à se payer des spots qui pourraient l’envoyer directement au Paradis. On ne sait pas combien de ses 7 vies il a déjà utilisé, mais jusqu’à maintenant, il a toujours survécu. Il est aussi probablement celui qui représente le mieux l’Esprit du roller, dans sa forme la plus pure, la plus simple, et aussi la plus folle. Malgré des hauts et des bas, il n’a jamais quitté ses patins, roulant toujours intensément, sans se soucier des codes, cherchant simplement à en explorer toutes les possibilités, dans une quête tendant parfois vers la spiritualité. Mesdames et Messieurs, cher public, voici l’histoire de Mathieu Heinemann.
Mathieu est originaire de banlieue parisienne, du Val d’Oise plus précisément, où il commence à rouler dans les petits skateparks du coin avec des potes, à l’adolescence. Lassés de ces premiers terrains de jeu, ils décident un jour de se rendre à Vitry, le plus grand skate-park autour de la capitale, de l’autre côté de la région parisienne. C’est là qu’ils vont rencontrer des membres de l’UCK, un crew squattant d’ordinaire à La Défense, qui vont les convaincre de se mettre au skating de rue. A leur suite, il va alors écumer les spots de Paname, et va vite se faire une petite réputation qui le mènera à une première apparition dans Crazy Roller, un Faith dans le numéro 40. Seuls les parisiens connaissent alors le phénomène, mais il va très rapidement se faire un nom bien au delà du périph’.
Deux ans après avoir profité du contest de Bercy pour faire s’affronter tout le ghota du roller mondial sur les fameux boudins, Jon Julio et l’IMYTA sont de retour en France en 2003 pour une nouvelle édition, choisissant cette fois La Défense comme théâtre des hostilités. L’affluence est énorme, la plus grande jamais vue pour un contest de rue, même si moins de noms ronflants ont fait le déplacement que 2 ans auparavant, mais le plateau reste tout de même plus que relevé. Et si Oli Short, époque pré-Kinks, semble bien placé avant le dernier spot, deux locaux ont également bien chauffé la foule: Néou Men et Mathieu Heinemann bien-sûr. Toutes les personnes ayant assisté à la battle livrée sur ce muret en kink se souviennent de l’émerveillement et de l’effroi qui les traversaient à ce moment, notamment lorsqu’Etienne Montet bascula dans le vide en arrière, tête la première, pour finalement réapparaitre debout, sous les vivats du public. Dans de telles situations, c’est souvent le destin qui prend les choses en main. Alors que Néou se blesse sur une incroyable tentative de disaster top soul, Mathieu parvient à manger le kink en backside, ce qui lui offre la victoire à domicile, sous les hourras de tous ses potes.
Peut-on trouver meilleure manière de se faire connaître au monde ?
Et bien figurez vous que oui ! Car Mathieu avait effectué l’hiver précédent un court passage aux Etats-Unis pour passer du temps avec Kato, fondateur et propriétaire de Remz, qui venait de le recruter dans son écurie. Si son anglais est alors très limité, son skating et son sourire parlent tous seuls. En moins de 3 semaines, il tourne une part pour le vidéo magazine référence de l’époque, Life +, qui en est alors à son quatrième opus.
Sachant que la date de l’IMYTA approche, les réalisateurs décident d’en profiter pour organiser une première projection le soir même de la compétition. Et voila comment les étoiles s’alignent à la perfection. Mathieu gagne l’IMYTA, et son profil, qui deviendra iconique par la suite tant il est puissant, est dévoilé au Globo devant une foule en délire. Probablement l’une des meilleures opérations marketing de l’histoire du roller !
Pendant les 2 années suivantes, il va surfer sur cette vague, multipliant les parutions, que ce soit dans dans Be-Mag ou dans Daily Bread, pour un des tricks les plus effrayants de l’histoire, ainsi que des passages vidéo, le regretté Brandon Negrete faisant même le déplacement à Paris pour venir shooter avec lui. Mathieu se rend cependant compte au bout de quelque temps que le côté “industrie” du roller n’est pas vraiment fait pour lui. Il choisit donc de quitter la capitale pour aller s’installer à Chalon-sur-Saône chez le RASCA, un autre fameux crew de skaters. Il va commencer à s’y pencher sur différentes pratiques spirituelles orientales, différentes cultures, avec des voyages en Afrique, mais aussi se plonger dans la musique, à la guitare ou à la flûte. Il va aussi passer beaucoup de temps à travailler dans les vignes, au contact de la terre, parfois avec des poids attachés aux chevilles pour developper son Ch’i, sa force vitale. Après avoir pris du recul, il va mettre à profit ses dons félins naturels pour repenser sa manière de patiner. Son skating va devenir encore plus instinctif, plus brut, mais aussi encore plus fou. A le regarder, on a parfois l’impression d’assister à l’exécution physique immédiate d’une idée, d’une envie, sans que ne se mette en marche la réflexion. On pourrait parfois le croire en quête d’une sorte de jugement divin ou plus simplement empli d’une envie de profiter de la vie sous ses formes les plus extrêmes. Ce nouveau Mathieu va notamment apparaître dans diverses productions de Martin Demay, mais aussi sur des étapes du Fise, ou il présente des runs complètement à l’opposé des tendance de l’époque, qui furent une grande inspiration pour le Joe Atkinson que l’on connaît aujourd’hui. Grand fan de son skating, le vidéaste Jonas Hansson lui donna au début de la décennie 2010 l’opportunité de shooter le profil ci-après, particulièrement marquant.
Voilà, nous sommes donc aujourd’hui en 2020, confinés, à essayer de raconter l’histoire de cette pratique qui nous a amené tant d’émotions. Pour Mathieu, ça ne doit pas changer grand chose. Ça fait déjà quelques années qu’il a pris l’habitude de s’isoler par périodes. Mais à chaque fois, l’appel de la rue, de l’adrénaline,de la vitesse et du voyage sont trop forts, et il finit par réapparaître, rollers aux pieds et son éternel sourire aux lèvres, avec pour seules motivations de s’amuser, d’explorer et de partager. Si vous ne l’avez pas encore vu, c’est le moment de regarder Blading Burma. Vous verrez que l’anglais de Mathieu s’est un petit peu amélioré, mais vous sentirez surtout cette passion qui l’anime. Et si, après tout ça, vous n’êtes pas pris d’une envie irrépressible de chausser les patins, alors on ne peut plus rien pour vous !
Les autres membres du classement:
Numéro 2: Wilfried Rossignol
Numéro 3: Mathias Silhan
Numéro 4: Remy Meister
Numéro 5: Stéphane Alfano
Numéro 6: Nicolas Bellini
Numéro 7: Néou Men
Numéro 8: Julien Cudot
Numéro 9: Taïg Khris
Numéro 10: Roman Abrate
Numéro 11: Guillaume Le Gentil
Numéro 12: Clément Boucau
Numéros 13: Toto Ghali – Kevin Quintin
Numéro 14: Allan Beaulieu
Numéro 15: Thierry Lallemand
Numéro 16: Jeremy Jimenez
Numéro 17: Nicolas Auroux
Numéro 18: Victor Legrand
Numéro 19: Williams Cerlo
Numéro 20 : Cyril Daniel