Once upon a time mais pas O.U.T

A l’issue de notre saga qui a animé le confinement, on vous proposait de prendre la parole si l’envie vous prenait. L’appel n’est pas resté vain puisqu’un des membre du jury a souhaité nous raconter une jolie histoire.

L’histoire du petit provincial ami de Monsieur Seguin

Toute ressemblance avec des personnages existants et des faits réels serait purement fortuite

Il était une fois, il y a fort longtemps, un petit provincial qui commençait à s’ennuyer sur ses patins à roulettes. Lassé de sa mini-rampe de 1,20m et de ses trottoirs à mizous avec réception dans le gravier, il décida alors de s’offrir un peu de rêve : une session de roller agressif dans cette immense et mystérieuse forêt aux modules plus grands les uns que les autres qui se nommait alors Roller Park Avenue.

 

Notre héros vêtu de son seul et unique tee shirt Senate

 

On racontait alors qu’elle était peuplée d’êtres étranges, mais aussi de longues échardes magiques et hostiles qui guettaient la moindre faute du rider pour le transformer à vie en porc-épic. “Qu’a cela ne tienne !” se dit le jeune homme, motivé, “Je partirai au lever du soleil car la route sera longue “. Il faut dire qu’à cette époque, même acheter un billet de train était une aventure !
Arrivé à la grande ville sans trop d’encombres, il se dirigea vers la dernière étape de son long périple : la ligne C du RER. Certaines légendes parlaient de gobelins malicieux, guettant les innocents voyageurs à la gare pour les détrousser. Courageux mais pas téméraire, notre petit provincial préféra chausser ses bottes magiques à roulettes pour prendre la poudre d’escampette à l’arrivée, si le besoin se faisait sentir.

 

La première épreuve

 

Arrivé sain et sauf dans la forêt de ses rêves, sa bourse délestée de 55 pièces ( En voilà une somme ! ) et la porte enfin passée, notre brave héros, au summum de l’excitation, n’était  pourtant pas au bout de surprises. En effet, un étrange individu se présentant comme un gardien de la forêt enchantée, insista pour vérifier le contenu de sa besace. Peu habitué à de telles pratiques mais trop pressé de partir à l’aventure, notre petit provincial s’exécuta sans discuter.

 

C’est du shit ça ? Non m’sieur c’est de la Wax !

 

Après seulement quelques minutes de pratique dans cet endroit merveilleux, notre héros remarqua rapidement la présence d’un étrange petit bonhomme. Haut comme trois pommes, casqué et chaussé de rollers qui devaient peser plus lourd que son propre poids, celui-ci survolait le grand skatepark à toute vitesse. Il était capable de tours incroyables et virevoltait sur lui même. Du flat spin par-ci, du 720° par là, du 900° en veux-tu, en voilà.

le petit être de la forêt RPA

 

Impressionné et surtout un peu perdu au milieu des grands obstacles, notre petit provincial préféra se rabattre sur le rail, une zone un peu plus calme et familière.C’est la que le plus incroyable se produisit. Le petit bonhomme apparu comme par enchantement à côté de lui et, désignant la barre du doigt,  lui demande ainsi: «S’il te plaît, explique moi un Top Soul ! »

Déconcerté par une telle requête, notre héros pensa d’abord à une mauvaise blague de l’espiègle petit bonhomme. Que nenni ! Celui-ci attendait bien sagement une réponse à sa question. Une vague explication plus que bancale fut alors donnée, et le jeune talent préféra sagement s’abstenir de la mettre en application. Il reparti alors vaquer à ses rotations. Et le petit provincial, heureux de son aventure, fini par retourner dans sa contrée lointaine.

 

Localisation très précise du lieu de l’enchantement

 

Les années passèrent. Petit à petit, la magie cessa d’opérer.  La forêt enchantée finit par être entièrement découpée par d’affreux monstres d’acier pour fabriquer des cagettes en 2005 (si vous aimez la violence, vous pouvez regarder ces images) laissant bon nombre de petits habitants sans abri face au rude climat de la région.  Notre petit provincial lui , en grandissant, sombra lentement dans l’alcool et tomba la tête la première dans la salade.

Le petit bonhomme à roulettes avait pour sa part terminé second de sa première compétition dans Sa forêt à sa grande déception. Il était alors désireux de prendre sa revanche. Il grandit (un peu), et il commença à écumer tout ce qui se faisait comme tournois de chevaliers dans le royaume de France et de Navarre, mais aussi dans d’autres lointaines contrées d’Europe.

 

Jeune et ambitieux, normal pour un mec de Vitry

 

Plus rien ne semblait pouvoir l’arrêter : Il enchaîna alors les titres de champion de France (les légendes les plus folles parlent d’une dizaine). Il se mit aussi en évidence dans l’émission l’été des records en 2007 à Port-Médoc, où il passa une barre à 4,25 mètres de haut en faisant deux tours sur lui même. Une autre année,  en terres vendéennes, il passa une barre à 5,40 mètres, nouveau record du monde homologué par le Guiness Book,  80 centimètres au-dessus du record précédent établi par un Hollandais ! Il est même invité par les plus grands à s’exprimer dans les médias nationaux ( on notera son grand professionnalisme). Quant aux podiums sur les étapes du FISE, on ne s’est même pas aventurés à essayé de les comptabiliser, une vie ne suffirait probablement pas.

 

En bonne compagnie

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Mais bizarrement, s’envoyer en l’air a tendance à lui faire peur quand ça n’est pas sur des rollers. On le verra donc peu sur le nouveau continent, si ce n’est une 10e place au championnat du monde de roller à Las Vegas (ce qui est déjà pas mal). Mais le temps passant, des gens se sont fait une image faussée du personnage. Une étiquette loin de faire l’unanimité de rat de skatepark racailleux trop proche d’une fédération lui colle à la peau malgré lui. Certains ont l’impression qu’il est arrogant et ses tenues vestimentaires dérangent. On lui fait payer son amour pour les grosses cylindrées allemandes et il est parfois boycotté au classement de certains contests. Cette image est pourtant assez loin de la réalité.

 

Papy disait que la seule chose qu’il aimait chez les boches, c’était leurs bagnoles

 

Tombé dans l’oubli de ce puits sans fond qu’est l’alcool, c’est à ce moment là que notre petit provincial refait surface. Pour financer sa consommation, il est obligé de faire des extras pour une grande entreprise française spécialisée dans l’organisation d’événements sur le thème des sports extrêmes et dont le nom commence par un « F » et fini par un « E ».  C’est ainsi que le brave garçon sera amené à côtoyer plus régulièrement le petit bonhomme qu’il avait rencontré bien des années plus tôt. Ce fut alors pour lui l’occasion découvrir que ce dernier, en plus  d’être devenu effectivement très fort en patins à roulettes, était surtout un sacré Zozo,  qui ne se prenait guère au sérieux. Amateur de blagounettes et souvent de bonne humeur, il a très facilement tendance à faire le clown. Si quelque chose devait  être une source d’inquiétude chez lui, ça pourrait être son goût prononcé pour les sucreries.

 

Sugar Baby Love

 

Et voilà qu’un beau jour de 2015, notre petit provincial, qui vit désormais dans la capitale,  se retrouve à participer à une tentative aussi désespérée qu’improbable de faire un classement de meilleurs pratiquants du patin à roulettes destiné à faire des figures acrobatiques, sans que cette joyeuse bande d’incompétents ne se mette d’accord au préalable sur la sens à donner au mot “meilleur”.  Comme on pouvait s’en douter, cette entreprise était vouée à l’échec,  que ce soit à cause du casting des juges ou simplement du concept même de la chose . Faire un classement  cohérent , qui puisse mettre tout le monde d’accord est en effet tout simplement impossible. Histoire d’être certains de bien tomber à coté de la plaque, les résultats ne sont publiés que 5 ans plus tard  et pour être sûr d’oublier le plus de monde possible on limite la liste à 20 noms.

Et la patatra, comme d’autres,  le petit bonhomme passe à la trappe. Il est vrai que le sentiment de ne pas être jugé à sa juste valeur peut renvoyer tout le monde à de mauvais souvenirs.  Notre petit provincial connait lui aussi cette sensation. Depuis presque 25 ans, il est systématiquement boycotté sur TOUS les contests qu’il fait.  Sauf une fois, mais vu l’endroit les juges, pourtant très compétents comme c’est toujours le cas,  étaient probablement sévèrement alcoolisés.
Pour Romain comme pour tous les autres, il n’y avait absolument rien de personnel là dedans. C’était juste un prétexte pour raconter des belles histoires pour occuper les grands enfants que nous sommes et qui étaient punis, obligés de rester enfermés dans leur maison.  Mais désormais le petit bonhomme fait lui aussi partie de l’histoire.

 

 

Signé Oui Oui , le petit (ex-)provincial, qui n’a malheureusement pas eu le droit de partir en vacances cette année.

Ps : Mr Seguin t’aurais bien payé une bière pour se faire pardonner, mais ça n’est pas de sa faute si tu ne bois pas!