Numéro 4: Rémy Meister


Lorsqu’on observe Rémy Meister dans ses œuvres, il est parfois compliqué de savoir qui est aux commandes: Est-ce Rémy qui fait du patin, ou ses patins qui font du Rémy? Il faut dire que sa manière de patiner est absolument unique et instinctive: il voit des spots quand il n’y en a pas et il fait des figures qui n’existent pas à des moments où on ne les attend pas. En fait, quand il chausse, lui et les patins ne font plus qu’un, il devient autre chose, un humain avec des roues en dessous, une nouvelle espèce, et de la même manière le monde qui l’entoure prend alors une autre forme, celle d’un terrain de jeu sans limites, où tout peut arriver.

 

 

Rémy est originaire de Dunkerque, ville fameuse pour son carnaval, son port, son histoire de corsaires, mais aussi pour une sacrée brochette de patineurs à roulettes portés sur la fête. A l’époque, c’est sur la mini rampe de Malo-Les-Bains que ça se passe, et c’est là que Rémy a connu ses premiers émois. On a pu retrouver un témoin de la scène.

“Il s’est pointé en roller fitness avec un casque de hockey et il avait un regard admirateur, un peu fou ! On sentait qu’il voulait monter sur la rampe et en découdre avec elle, mais à un point du genre: un drogué qui n’a pas eu sa dose depuis trop longtemps !
On l’a laissé monter et il a essayé de la rouler comme il pouvait sans jamais atteindre le coping. Il faisait des aller retours sans s’arrêter de patiner, même dans les courbes. Il ne tombait jamais, mais il était toujours à la limite de se flinguer.
On avait l’impression qu’il faisait tout en apnée, sans jamais reprendre son souffle. On l’a observé et on a bien ri car il était trop à fond.
On a vite cessé de rire quand plusieurs minutes se sont écoulées et qu’il ne lâchait pas l’affaire. La rampe ne faisait que 3 mètres de large et donc impossible pour nous de continuer la session…
Quand enfin il s’arrêtait, il repartait aussi sec comme un fou et on le revoyait un peu plus tard dans la journée.
Sauf qu’à force, ça nous soûlait qu’il squatte la rampe aussi longtemps ! Du coup, quand on le voyait arriver, on s’efforçait de rider la rampe chacun notre tour le plus longtemps possible pour qu’il ne monte pas et qu’il reparte. Mais il ne repartait jamais, et attendait le temps qu’il faut (parfois 10, 20 30 minutes). Du coup on lâchait l’affaire et il nous faisait son run de 5 minutes !
Un peu plus tard, il est devenu un peu la coqueluche du spot tellement il était ouf !”

 

 

Rémy ne va pas se contenter de la mini, et va vite partir à la conquête des rues de sa ville, bien aidé par son passage par l’école du cirque (comme l’illustre Rambo). Il va y développer ses aptitudes, bien sûr, mais aussi un drôle de rapport à la douleur. Si certains ne voient dans le roller qu’une forme d’expression, inconsciemment Rémy y trouve aussi un moyen de s’attaquer à lui même, afin d’attirer l’attention de ses parents. Cette approche va lui causer pas mal de blessures à ses débuts, mais aussi l’aider à tester ses limites et l’inciter à questionner les raisons de sa pratique.

 

 

La suite aurait pu ressembler à un parcours assez classique: repéré par Crazy Roller, il intègre la team Ground Control France, et fait ce qu’il faut pour pouvoir bouger sur les contests et ne pas avoir à payer ses rollers. Il se rend cependant assez vite compte que cet univers ne lui correspond pas vraiment; bien qu’il en comprenne la nécessité, cela ne colle pas avec ses aspirations. Avec le déclin de l’industrie qui va suivre, il va pouvoir retrouver une certaine forme de liberté et donner vie aux projets les plus improbables, avec comme leitmotiv de mettre en valeur ce qui fait la beauté du roller à ses yeux: l’inutilité, la spontanéité et la gratuité de l’acte.

 

 

C’est ainsi que vont naître par exemple les home-contests, où le but va être de transformer son habitation en spot éphémère. Il remportera aussi le “I’m too drunk to skate contest” où ces années d’entrainement au carnaval de Dunkerque lui donneront évidemment un avantage déloyal. Il participera également à de nombreux tours, aux noms toujours recherchés. Dernièrement il s’est même associé à des projets plus artistiques avec toujours cette volonté d’essayer, de découvrir. En bref, chaque fois que Rémy devient l’homme à roulettes, vous pouvez vous attendre à ce que quelque chose inattendu se produise.

 

 

Tenter de résumer Rémy dans un article est une tache aussi complexe que le personnage. On vous encourage vivement à vous plonger dans les archives et de prendre le temps, si vous ne les connaissez pas, d’explorer toutes ses facettes. Mais puisqu’il faut bien conclure, nous avons choisi de vous partager quelques uns de ses mots qui nous semblent être une description assez proche de la réalité:

“Il y a autant de visions du patin qu’il y a de patineurs. Du grand sportif à l’artiste incompris c’est très vaste. Ce qui me plait le plus, en dehors des amis et des voyages, c’est la liberté de mouvement que ça apporte […] se déplacer pour aller nulle part. Se réapproprier l’espace public, le réinventer, chaque élément qui le compose devient alors le support d’un geste spontané et gratuit.Cette forme de création éphémère, brute, parfois brutale, désintéressée, qui n’attend aucune récompense, m’est extraordinairement jouissive. Putain ce que j’aime le patin à roulettes de rue”

 

 

Les autres membres du classement:

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Numéro 6: Nicolas Bellini
Numéro 7: Néou Men
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Numéro 9: Taïg Khris
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Numéro 11: Guillaume Le Gentil
Numéro 12: Clément Boucau
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Numéro 14: Allan Beaulieu
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Numéro 16: Jeremy Jimenez
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